Jean Galler, le vigneron du septentrion

Il fait très chaud en ces premiers jours de juin et, sous sa casquette de toile blanche, Jean Galler couve du regard les prémices de sa future récolte. C’est l’époque de la floraison, une phase cruciale du cycle végétatif de la vigne car elle influence directement la quantité et la qualité des raisins à venir. Face à nous se trouve le vignoble le plus stupéfiant de Wallonie : une trentaine de cépages blancs et rouges plantés sur un petit coteau orienté plein sud à Vaux-sous-Chèvremont, dans la commune de Chaudfontaine.

À un kilomètre d’ici à vol d’oiseau se trouve la Chocolaterie Galler, mais ça, c’était sa vie d’avant… Depuis qu’il a vendu les dernières parts de son entreprise à des investisseurs qataris, Jean Galler se présente comme « vigneron-boulanger » : à côté du domaine Septem Triones, il a en effet créé, début 2019, avec son épouse Yvette, la boulangerie-pâtisserie Chez Blanche. Blanche comme l’empreinte que nous aimerions laisser sur la planète. Un profond respect de la nature : le voilà, le fil d’Ariane qui relie les deux passions de toujours de Jean Galler, le pain et le vin !

 

Un vignoble né sous une bonne étoile

Septem Triones : les « sept bœufs de labour » en latin, qui désignent les sept étoiles de la Grande Ourse. En 2009, lorsqu’il décide de se lancer dans la culture de la vigne avec sa fille Justine (qui a, depuis, emprunté une autre voie), ce nom s’est imposé à Jean Galler comme une évidence « parce que nos vignes étaient plantées le plus au nord lorsque nous avons démarré et aussi parce qu’elles sont travaillées selon les rythmes planétaires et stellaires ». Vous imaginez un vignoble courant à perte de vue ? Que nenni : il totalise un tiers d’hectare seulement. Les variétés les Vignoble Septem Triones de Jean Gallermoins représentées comptent donc entre douze et cinquante pieds ; les plus importantes grimpent à 800 pieds. Sans ciller, Jean Galler récite sa petite encyclopédie ampélographique : Aligoté, Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon, Chardonnay, Chasselas, Chenin, Furmint, Gamay, Grüner Veltliner, Malbec, Merlot, Mondeuse, Petite Arvine, Pinot Blanc, Pinot Noir, Riesling, Romorantin, Roussanne, Sauvignon Blanc, Savagnin, Sémillon, Sieger, Sylvaner, Syrah, Viognier… et l’on en passe. Des choix justifiés par le fait qu’un cépage « est bien dans son terroir ou plus au nord ». « Mais bon, ajoute-t-il aussitôt, certains, comme le Muscat d’Alsace, ne se sont pas bien adaptés alors que d’autres, tels le Merlot ou la Syrah, s’épanouissent magnifiquement sur notre coteau. »Jean Galler, Septem Triones

Ce petit coin de terre liégeoise est devenu un fascinant laboratoire viticole. Avant de démarrer, Jean Galler a fait appel au savoir de Claude et Lydia Bourguignon, spécialistes mondialement réputés de l’analyse des sols. Et il a pris conseil auprès des plus grands vignerons pratiquant la biodynamie et la permaculture, ne se contentant pas de la certification bio. Il bichonne son micro-vignoble rang par rang, pied par pied, avec une infinie patience. Pendant plusieurs années, après chaque vendange, l’homme du septentrion a étendu sept centimètres de compost au-dessus des schistes friables afin de réguler l’acidité et le pH du sol et d’y stimuler la vie, en s’appuyant pour ce faire sur une vieille recette des Templiers. Chaque année aussi, il gratte la terre entourant les pieds pour couper les racines superficielles et contraindre la plante à s’ancrer plus profondément dans le sol. Ses vignes sont palissées jusqu’à deux mètres de haut et jamais rognées (« imaginez-vous un peu, la tête coupée », rigole-t-il). L’enherbement est total car, dit-il, « ici, on respecte les herbes ».

 

Produire de grands vins en Wallonie

« Aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de mauvais vins car les connaissances sont considérables. Mais mon ambition à Jean Gallermoi, c’est de produire en Wallonie des grands vins. » C’est la raison pour laquelle il a préféré écarter les cépages interspécifiques. Et pour cela aussi qu’il a complanté (c’est-à-dire planté de jeunes pousses parmi des pieds plus anciens) jusqu’à atteindre une densité de 10 000 pieds à l’hectare. Au domaine Septem Triones, les vendanges durent tout bonnement un mois pour que chaque variété ait l’opportunité d’atteindre sa pleine maturité. Un véritable casse-tête sachant que plusieurs cépages s’alignent parfois sur un même rang…

Par sympathie pour ce projet un peu fou, un homme aide Jean Galler au moment des vinifications : c’est le consultant Stéphane Derenoncourt, parfois présenté comme « l’œnologue des stars » car il conseille notamment le réalisateur américain Francis Ford Coppola dans la Napa Valley. « C’est le plus sympa de la bande », glisse le vigneron belge avec un clin d’œil. Stéphane Derenoncourt a dû écarquiller les yeux d’étonnement lorsqu’il a pénétré pour la première fois dans le chai de Septem Triones : en fait, une succession de caves minuscules serpentant sous une ancienne écurie du XVIIIe siècle, convertie en espace (moderne) de dégustation. Une petite rangée de fûts de chêne, quelques cuves en inox de 100 ou 200 litres et, surtout, un incroyable alignement de dames-jeannes de 5, 10 et 15 litres. Car chaque cépage est vinifié séparément, parfois en quantités infinitésimales.

Dans le chai comme dans la vigne, Jean Galler teste, expérimente, procède par essais-erreurs. « Je maîtrise assez bien aujourd’hui le “sans soufre ajouté” mais, au début, j’ai dû vider plus d’une bouteille dans l’évier », avoue-t-il. In peto, il débouche un Chenin 2018 non sulfité, le n°6 sur une production de 12 bouteilles : étonnant de précision et de fraîcheur, avec une très belle expression des arômes propres à ce cépage.

 

Une distribution limitée

Autant le savoir : les vins de Septem Triones se vendent entre 50 et 90 euros la bouteille, principalement au domaine et dans quelques établissements Syrah Septem Triones, Jean Gallerde la région liégeoise, comme le restaurant Didier Galet à Sprimont ou Le Tonnelet à Spa. « Parce que tout se fait à la main, parce que la production est très limitée et les investissements conséquents. » En 2018, l’entreprise a dégagé pour la première fois un petit bénéfice et Jean Galler agrandit peu à peu son vignoble, y ajoutant entre 400 et 800 pieds par an. Soixante bouteilles en 2016, 200 en 2017, 1 000 en 2018 et 1 200 attendues pour cette année. Qui va piano va sano mais, surtout, confesse cet ancien « Manager de l’Année » de Trends-Tendances, « le premier objectif de cette aventure est de bien s’amuser »…

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